Cela faisait un p’tit moment que je voulais visiter le Mémorial Jean Moulin à Caluire-et-Cuire. Mais, je ne prenais pas le temps. Et, Caluire-et-Cuire, ce n’est pas la porte à côté (oui, ce n’est qu’une question de perception !). Cela vaut vraiment le déplacement. Lieu de mémoire, lieu d’histoire. Tout en sobriété. Tout en justesse. La maison du docteur Dugoujon vous attend pour révéler l’histoire de l’arrestation de Jean Moulin le 21 juin 1943.
Jean Moulin, héros de la Résistance
Quiz… Citez-moi des noms de Résistants français ? Lucie Aubrac, Marc Bloch, Geneviève de Gaulle-Anthonioz, Jean Zay, Pierre Brossolette, Germaine Tillion… et Jean Moulin. Plus jeune préfet de France à sa nomination en 1937 à Chartes, il refuse de signer un document établi par les Allemands accusant à tort les troupes sénégalaises de l’Armée française de massacres sur les populations civiles en 1940. Arrêté, brutalisé et séquestré, il tente de se suicider et apprend, plus tard, l’organisation de Résistance en zone non occupé. Il s’installe à Marseille puis gagne alors Londres pour demander des moyens au nom de ces mouvements. Le général de Gaulle lui confit la mission d’unifier les différents mouvements de la Résistance pour en une armée secrète placée sous ses ordres. Le reste de l’histoire, vous la connaissez sûrement…
Le 21 juin 1943 doit se tenir une réunion secrète. Elle devait réunion 7 dirigeants de la Résistance : André Lassagne, le colonel Albert Lacaze et le lieutenant-colonel Émile Schwarzfeld, Bruno Larat, Claude Bouchinet-Serreulles, Raymond Aubrac et Henri Aubry. Tous sont internés à la prison Montluc, à Lyon. Démasqué, Jean Moulin est conduit quotidiennement au siège de la Gestapo, situé dans les locaux de l’École du service de santé militaire (aujourd’hui Centre d’histoire de la Résistance et de la Déportation) dans le 7e arrondissement. Il y est interrogé et torturé par le chef de la Gestapo de Lyon, Klaus Barbie.
Le Mémorial Jean Moulin à Caluire
Avec la prison de Montluc et le Centre d’histoire de la Résistance et de la déportation, le Mémorial Jean Moulin est un des 3 lieux commémoratifs de la Seconde Guerre mondiale à Lyon. C’est l’ancienne maison du Docteur Dugoujon (devenu maire plus tard de la ville Caluire-et-Cuire). Inscrite à l’Inventaire des Monuments historiques et labellisée Maison des illustres, la maison est devenue un mémorial en 2010.
Le Mémorial Jean Moulin se compose de 4 salles mémorielles de l’ancienne maison du docteur Dugoujon : cabinet du docteur et salle d’attente au rez-de-chaussée, chambre et petit salon à l’étage. La visite des ces pièces vous replonge dans les années noires à Lyon et vous fait revivre ce jour où tout a basculé. Au sous-sol, lieu où devait se dérouler la réunion, une salle multimédia retrace l’histoire de la Seconde Guerre mondiale à la fois à l’échelle nationale et lyonnaise. J’ai été touchée aussi la partie dédiée à celles et ceux qui ont résisté de Rosa Park à Malala Yousafzai.
Le mémorial est à la fois un site historique et un centre pédagogique. Il permet aux visiteurs de découvrir des documents d’époque, des photos, des objets personnels… Il continue à faire vivre la mémoire des combats pour la France libre, contre l’oppression nazie et l’occupation allemande.
Comment visiter le Mémorial Jean Moulin ?
Venir au mémorial
Le Mémorial Jean Moulin se situe au 2n place Gouailhardou à Caluire-et-Cuire. Pour vous y rendre, vous avez 3 options :
- voiture : parking payant devant le mémorial (gratuité le samedi) avec des places PMR disponibles
- métro : ligne C – arrêt « Cuire » puis prendre le bus n° 38 (direction Place de la Bascule) ou bus n° 33 (direction Rillieux Alagniers) ou bus S5 (direction Crépieux) – arrêt Caluire Centre »
- bus : C1, C2, 70, ou 9 – arrêt : « Caluire Place Foch »
Visiter le mémorial
Le Mémorial Jean Moulin accueille le public individuel uniquement en visite guidée et sur réservation. Cette visite guidée dure environ 45 minutes. Elle a lieu les mercredis et samedis à :
- 11 h 00
- 13 h 30
- 15 h 00
- 16 h 30 (le samedi uniquement)
Pendant les vacances de la zone A, le mémorial est aussi ouvert les mardis et jeudis. L’entrée est gratuite. À savoir : il est fermé au public les 2 premières d’août.
Que faire après la visite du Mémorial Jean Moulin ?
Pour poursuivre votre immersion dans l’histoire de la Résistance, voici quelques sites historiques à découvrir après votre visite du Mémorial Jean Moulin.
Le Centre d’Histoire de la Résistance et de la Déportation
Situé dans le 7e arrondissement, le Centre d’Histoire de la Résistance et de la Déportation est un incontournable pour celles et ceux qui souhaitent comprendre l’histoire de la Résistance à Lyon. Installé dans l’ancienne école de santé militaire et ancien siège à la Gestapo, ce musée propose une exposition permanente retraçant les grandes étapes de la Seconde Guerre mondiale, en particulier à Lyon.
La prison de Montluc
Utilisée par les nazis pour détenir des Résistants, des Juifs et d’autres opposants, la prison de Montluc est un autre site majeur lié à la Seconde Guerre mondiale à Lyon. Jean Moulin y a été incarcéré après son arrestation à Caluire-et-Cuire. La visite vous permet de voir les cellules où étaient détenus les prisonniers, ainsi que les conditions de détention.
Le quartier de la Croix-Rousse
Quartier historique de Lyon, souvent associée aux révoltes des canuts, la Croix-Rousse a aussi joué un rôle clé pendant la Seconde Guerre mondiale. En parcourant les traboules de la Croix-Rousse, ces passages secrets typiques du quartier, vous découvrez comment les résistants utilisaient ces dédales pour échapper à la Gestapo.
- Voir mes infos pour découvrir les traboules des pentes de la Croix-Rousse
La Nécropole nationale de la Doua
À quelques kilomètres du Mémorial Jean Moulin, le cimetière militaire de la Doua, à Villeurbanne, est un autre lieu de mémoire de la Seconde guerre mondiale. Il abrite les tombes des personnes fusillées à la suite d’une condamnation du tribunal militaire allemand, mortes au combat ou exécutées sommairement.
Le plateau des Glières
Un peu plus loin, dans le département de la Haute-Savoie, le plateau des Glières est un site emblématique de la Résistance française. Ce massif montagneux fut le théâtre d’un rassemblement de maquisards en 1944, qui se préparèrent à recevoir des armes parachutées par les Alliés. Aujourd’hui, ce site chargé d’histoire abrite :
- le Monument national à la Résistance, sculpture créée par l’artiste Emile Gilioli et inaugurée en 1973 pour rendre hommage à l’action du maquis des Glières
- l’Espace Mémoire du maquis, lieu d’exposition temporaire
- un circuit de randonnée ponctuée de panneaux retraçant la vie quotidienne des Résistants
Je pourrais ajouter à ces lieux : le musée de la Résistance et de la Déportation d’Isère (Grenoble), le mémorial de la Résistance en Vercors (Vassieux-en-Vercors), la maison des enfants d’Izieu… Tous permettent comprendre l’ampleur et la diversité du combat mené contre l’occupation allemande, ainsi que l’héritage laissé aux générations à venir.
Une anecdote sur le mémorial Jean Moulin…
Dernièrement, je lisais l’enquête d’Olivier Bertrand intitulée Les Imprudents. Dans son livre, il relate la visite de Raymond Aubrac au mémorial Jean Moulin. Je partage avec vous l’extrait que je trouve savoureux.
Il venait cette fois à Caluire-et-Cuire, près de Lyon, visiter la maison du docteur Dogoujon, lieu de son arrestation avec Jean Moulin notamment, le 21 juin 1943. Le conseil général venait de la faire rénover pour l’ouvrir au public. Le directeur général des services voulait la lui montrer, avant l’inauguration, il m’avait proposé de déjeuner avec eux. En sortant de table nous avons pris la route de Caluire. Cela me faisait drôle, d’aller là-bas avec Aubrac. Arrivés devant la villa, le directeur général a sorti un trousseau de clés, les a toutes essayées. Aucune n’ouvrait la porte. Son chauffeur a dû repartir en vitesse au conseil général, récupérer un autre jeu. Raymond Aubrac piaffait, il devait reprendre un train, sa fille l’attendait à Paris. Le chauffeur est revenu. Les nouvelles clés n’ouvraient pas plus. Le directeur, en nage, a essayé de joindre l’entrepreneur en charge des travaux. En vain. Alors Aubrac a tranché : « Ça suffit, maintenant je dois vraiment y aller. » Nous sommes repartis sans visiter la maison. À l’avant, le directeur était mortifié. À l’arrière, Aubrac m’a glissé, en s’installant sur la banquette : « De toute façon j’ai toujours des ennuis quand je viens à Caluire…
Olivier Bertrand, Les Imprudents
Une visite au mémorial Jean Moulin s’impose comme une étape incontournable pour mieux comprendre le combat mené pour libérer la France occupée par les nazis. C’est bien plus qu’un simple retour sur un épisode marquant de la Seconde Guerre mondiale. C’est un véritable plongeon dans l’histoire de la Résistance française, un hommage vibrant aux hommes et aux femmes qui ont risqué leur vie pour la liberté. En prolongeant votre visite avec les autres sites mémoriels de Lyon et de la région Auvergne-Rhône-Alpes, vous compléterez votre compréhension de cette période sombre, mais essentielle de notre histoire. Ils nous rappellent l’importance du devoir de mémoire.