À Lyon, il n’y a pas que des hommes célèbres ! Il y a aussi des femmes lyonnaises célèbres… et elles sont nombreuses. Pourtant, quand on est devant la fresque des Lyonnais, située à l’angle du 49 quai Saint-Vincent et du 2 rue de la Martinière, on n’en compte que 4 sur les 30 personnalités lyonnaises représentées ! Alors, le temps d’un article, j’ai eu envie de les mettre à l’honneur. Ces dernières, issues de milieux aussi divers que la science, l’éducation, la résistance, la politique, ou encore la culture et la gastronomie lyonnaise, ont marqué leur époque. Avec courage, talent et générosité, elles ont insufflé à Lyon son dynamisme, son caractère innovant et sa solidarité remarquables. Eh oui, à Lyon, il n’y a pas eu que de grands hommes : Antoine de Saint-Exupéry, les frères Lumières, Bocuse… Allez, marchons sur les pas des 8 femmes lyonnaises célèbres dont les contributions ont façonné l’histoire. Lyon se révèle être une terre où les femmes, bravant un monde souvent masculin, ont su s’imposer et briller.
Les pionnières de la science et de l’éducation
Trois femmes lyonnaises emblématiques ont marqué les domaines de la science, de l’éducation et du secteur social. À une époque où l’accès à ces sphères était restreint pour les femmes, ces pionnières ont démontré une intelligence remarquable, une persévérance sans faille et une curiosité insatiable. Leur contribution significative a non seulement fait avancer les connaissances mais aussi favorisé la diffusion de la culture scientifique.
Julie-Victoire Daubié, la première bachelier de France
Julie-Victoire Daubié, née le 26 mars 1824 à Bains-les-Bains, a surmonté de nombreux défis dès son plus jeune âge. Orpheline de père, elle a reçu une éducation poussée grâce au soutien de sa famille, se formant à des disciplines telles que le latin, le grec, l’allemand, l’histoire, la géographie, et même la zoologie, au Muséum national d’histoire naturelle de Paris. Malgré une évidente passion pour les études, Julie-Victoire a été confrontée à de multiples refus d’accès à l’enseignement supérieur.
Cependant, loin de se décourager, elle a persévéré, suivant des cours en auditrice libre tout en exerçant en tant que gouvernante. Sa détermination a été couronnée en 1859 lorsqu’elle a remporté le premier prix d’un concours de l’Académie impériale des sciences, belles-lettres et arts de Lyon, pour son mémoire sur la condition féminine au XIXe siècle. Ce travail lui a ouvert les portes du baccalauréat, faisant d’elle, en 1861, la première femme bachelier de France.
Après ce succès, Julie-Victoire Daubié, femme lyonnaise, a continué à militer pour les droits des femmes et à contribuer à la littérature féministe, jusqu’à sa mort prématurée en 1874 à l’âge de 50 ans. Son héritage en tant que militante et savante reste indélébile.
Claudine Thévenet, la pionnière de l’éducation et de l’empowerment à Lyon
Deuxième d’une famille de 7 enfants, Claudine Thévenet naît à Lyon le 30 mars 1774. Elle incarne l’esprit de résilience et de détermination des femmes lyonnaises qui ont façonné l’histoire. En 1818, elle défie les conventions de son époque en fondant la congrégation de Jésus-Marie, une institution dédiée à l’éducation des enfants abandonnées.
Son initiative révolutionnaire défie les normes sociales restrictives imposées aux femmes de son temps, démontrant que le potentiel des femmes ne connaît pas de limites. À travers son engagement indéfectible, Claudine Thévenet offre une lueur d’espoir aux femmes et aux enfants marginalisés, leur offrant une voie vers l’autonomie et l’éducation.
Pauline Jaricot, une vie dédiée à l’engagement social et à la foi
Née le 22 juillet 1799 à Lyon, Pauline Jaricot grandit dans une famille de négociants en soie. Benjamine d’une famille de 7 enfants, elle vit une jeunesse insouciante marquée par les festivités et les mondanités. Une homélie sur la vanité à l’église Saint-Nizier de Lyon provoque un tournant décisif dans la vie de Pauline. Profondément touchée, elle renonce à ses biens matériels, abandonne ses bijoux et ses robes somptueuses et fait vœu de chasteté. Cette transformation la pousse à se dévouer entièrement à la foi et aux œuvres caritatives. Pauline Jaricot ne se contente pas de ses œuvres spirituelles et missionnaires.
Marquée par les révoltes des ouvriers de la soie, les canuts, à Lyon, Pauline réfléchit à un moyen matériel de changer durablement leur sort. En 1845, elle fonde une usine à Rustrel, visant à appliquer des principes chrétiens de justice sociale et de dignité des travailleurs : logements décents pour les ouvriers, école, chapelle, moulin à farine. Mais, l’affaire est confiée à un gérant véreux et fait faillite… Malgré son échec, cette initiative reflète son souci des conditions de vie des ouvriers et son engagement envers les plus démunis.
Pauline Jaricot meurt en 1862 dans la maison de Lorette, près de l’Antiquaille, sur la colline de Fourvière. Sa dépouille a été transférée en 1922 dans l’église Saint-Nizier. Le 22 mai 2022, elle est béatifiée à Eurexpo Lyon, devant près de 13 000 personnes. La reconnaissance officielle de son miracle, la guérison de la petite Mayline Tran en 2012, est une étape clé de sa béatification.
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Les grandes figures de l’histoire
De l’Antiquité à nos jours, les femmes lyonnaises se sont battues pour leurs convictions. Elles ont été là où souvent on ne les attendait pas. Chacune à son époque a cassé les stéréotypes associés à leur genre.
Sainte Blandine, la martyre de Lyon
Remontons le temps… Lyon, pente de la Croix-Rousse, 2 août 177. Ce sont les premiers temps du christianisme : l’Empire romain lutte contre cette nouvelle religion. Jeune esclave, Blandine fait partie de la communauté chrétienne de Lugdunum autour du premier évêque de la cité, Pothin. Les 48 membres de la communauté sont arrêtés en 177, car ils refusent de participer au culte impérial. Après avoir survécu à la détention et aux tortures, Blandine est livrée, dans l’enceinte de l’amphithéâtre des Trois Gaules, aux faunes qui se détournent d’elle. Flagellée et livrée dans un filet aux cornes d’un taureau, elle survit encore. Son bourreau est obligé de l’égorger. C’est l’une des femmes lyonnaises les plus célèbres.
Aujourd’hui, rue Lucien Sportisse dans le 1er arrondissement, une plaque commémore cet événement de l’histoire lyonnaise. De plus, au milieu de l’arène, un poteau symbolise aussi le martyre de Blandine. Elle est l’une des premières femmes lyonnaises connues.
Lucie Aubrac, héroïne de la résistance
Née Lucie Bernard le 29 juin 1912 à Mâcon, Lucie Aubrac s’est distinguée comme professeure d’histoire avant de devenir une figure de proue de la Résistance française. Malgré les obstacles de son époque, elle décroche en 1938 l’agrégation d’histoire. L’année suivante, elle unit sa vie à celle de Raymond Samuel, qui adoptera le nom de Raymond Aubrac durant la guerre.
Dès 1940, Lucie est parmi les pionniers de la Résistance, cofondant à Clermont-Ferrand le groupe Libération-Sud avec son mari et Jean Cavaillès. Leur action se traduit par le lancement du journal clandestin Libération. Si la période de la Résistance à Lyon vous intéresse, je vous recommande d’ailleurs de suivre une visite guidée des traboules de la Croix-Rousse, passages secrets empruntés par les Résistants pour échapper à la Gestapo.
Lorsque Raymond est arrêté par la Gestapo en mars 1943, Lucie orchestre une intervention audacieuse qui mène à sa libération en mai. Peu après, ils planifient l’évasion de trois résistants détenus à l’Hôpital de l’Antiquaille. Raymond est de nouveau capturé, mais Lucie, se faisant passer pour sa fiancée, organise une opération spectaculaire qui le libère lors d’un transfert, sauvant également quinze autres prisonniers.
En 1944, Lucie fait partie de l’assemblée consultative instaurée par Charles de Gaulle, devenant la première femme à siéger dans une telle institution en France. Elle publie le premier récit de la Résistance française en 1945. L’année suivante, le couple accueille Hô Chi Minh, instaurant une amitié durable et soutenant la cause de l’indépendance vietnamienne. [Interlude auto-promo : j’ai publié un roman qui raconte l’histoire de la France et de l’Indochine.]
Philomène Magnin, première femme lyonnaise à siéger au conseil municipal de Lyon
Philomène Magnin incarne la force et la détermination des femmes lyonnaises qui ont tracé leur chemin dans l’arène politique. En 1944, elle franchit courageusement les barrières du statu quo en devenant la première femme à siéger au conseil municipal de Lyon. Son engagement indomptable pour la justice sociale et l’égalité des sexes a marqué une rupture significative dans l’histoire politique de la ville.
Pendant plus de trois décennies, de 1944 à 1977, elle a défendu avec passion les intérêts de sa communauté et a ouvert la voie à de nombreuses autres femmes aspirant à une participation politique active. L’héritage de Philomène Magnin réside non seulement dans ses réalisations politiques remarquables, mais aussi dans son inspiration continue pour les femmes qui osent briser les barrières et défier les normes établies.
Les icônes de la culture et de la gastronomie lyonnaise
Au cœur de Lyon, des figures féminines ont brillé dans les arts et la gastronomie, enrichissant le patrimoine culturel de la ville. Trois Lyonnaises célèbres ont joué un rôle important dans la poésie, la peinture et la cuisine. Elles ont su allier créativité, sensibilité et originalité.
Eugénie Brazier, la mère de la gastronomie lyonnaise
Eugénie Brazier, née le 12 juin 1895 et originaire de La Tranclière, est la première femme à recevoir 3 étoiles au Guide Michelin en 1933. Issue d’une famille de fermiers, Eugénie a développé dès l’enfance un amour pour la cuisine locale. Malgré des obstacles liés à son genre, elle n’a jamais renoncé à sa passion pour les études et la cuisine. En 1921, elle ouvre à Lyon La Mère Brazier, attirant des personnalités de toute la France.
Elle a enseigné à des chefs légendaires comme Paul Bocuse, laissant une empreinte indélébile dans la cuisine lyonnaise. Décédée le 2 mars 1977, elle est une des « mères » lyonnaises emblématiques des bouchons lyonnais. Son héritage perdure à travers le restaurant familial, repris en 2007 par le chef Mathieu Viannay.
Juliette Récamier, la mondaine lyonnaise à Paris
Née à Lyon en 1777, Juliette Récamier est l’une des grandes figures féminines de l’époque napoléonienne. En 1785, elle se marie avec Jacques Récamier, riche banquier lyonnais installé à Paris. Célèbre pour sa beauté et son intelligence, Juliette Récamier mène une vie mondaine dans leur hôtel particulier parisien où elle fait tourner la tête des hommes. Amatrice d’art, Juliette a été aussi la muse de plusieurs artistes comme David.
Louise Labé, la poétesse renommée de la Renaissance
À mi-chemin entre Paris et l’Italie, Lyon connait à la Renaissance un bouillonnement intellectuel. Appelée la « Belle Cordière », Louise Labé est l’une des grandes femmes de lettres du XVIe siècle. Fille d’un riche cordier lyonnais, cette célèbre lyonnaise reçoit une bonne éducation. Dès son plus jeune âge, elle apprend le latin, les langues modernes, l’équitation, l’escrime, la musique… Sulfureuse, Louise Labé brave les interdits religieux et s’habille en homme pour participer à des tournois.
Dans ses poèmes, Louise Labé exprime l’amour, la violence de la passion. Renversant le code amoureux traditionnel dans lequel la femme est l’objet du désir, elle ose exprimer son propre désir. Un peu féministe, en 1555 dans Dédicace à Mademoiselle Clémence de Bourges, Lyonnaise, elle demande que les femmes ne soient pas « dédaignées pour compagnes tant ès affaires domestiques que publiques, de ceux qui gouvernent et se font obéir ».
Je vis, je meurs ; je me brûle et me noie ;
J’ai chaud extrême en endurant froidure :
La vie m’est et trop molle et trop dure.
J’ai grands ennuis entremêlés de joie.Louise Labé
Bonus : les femmes lyonnaises célèbres dans les livres
Ces dernières années, les femmes ont pris (enfin) leur place dans l’histoire. De nombreux livres les redonnent aux femmes leur place dans l’histoire. Pour (re)découvrir ces femmes, je vous recommande :
- Histoires du soir pour filles rebelles, tome 1 d’Elena Favilli et Francesca Cavallo
- Histoires du soir pour filles rebelles, tome 2 d’Elena Favilli et Francesca Cavallo
- Histoires du soir pour filles rebelles, tome 3, 100 femmes françaises extraordinaires, d’Alice Babin
- Histoire de France au féminin de Sandrine Mirza et Blanche Sabbah
Pour creuser davantage sur l’histoire des femmes à Lyon, vous pouvez aussi vous plonger dans ces livres :
- Femmes de Lyon d’André Pelletier, Bernadette Angleraud, Anouk Delaigue et Isabelle Doré-Privé
- Mangées, une histoire des mères lyonnaises de Catherine Simon
- Lyonnaises d’exception par Marie Avril, Anaïs Depommier, Ludivine Stock et Jean Dytar
- Héroïnes de Lyon de Marie Avril, Anthony Calla, Morgane Velten, Anaïs Depommier
- Sainte Blandine, La force de la foi de Mauricette Vial-Andru (pour les enfants)
L’histoire se fait aussi au féminin. Mettre en lumière ces 8 femmes lyonnaises, c’est plus que défendre la cause féministe. C’est aussi lutter contre le sexisme et les inégalités femmes-hommes. C’est aussi remettre l’église au centre du village : l’histoire ne s’écrit pas qu’au masculin. Toutes ces femmes ont aussi laissé leur empreinte dans l’histoire. Elles se distinguent dans des sphères aussi diverses que la science, l’éducation, la résistance, la politique, la culture et la gastronomie. Ces pionnières, par leur courage, leur talent et leur générosité, ont illustré la place prépondérante que les femmes ont su conquérir à Lyon, une ville traditionnellement perçue comme dominée par les figures masculines. Chaque la journée internationale des droits des femmes rappelle que la lutte des femmes pour la reconnaissance de leurs droits passe aussi par un coup de projecteur de leur rôle historique.